Au
début de février 1915, la 1re Division du Canada et son
artillerie, soit plus de 18 000 hommes, débarquent en France, à
Saint-Nazaire, sous les vives acclamations de la population. Les Canadiens
prennent en charge six kilomètres de la ligne de front dans le secteur d’Armentières,
où les troupes britanniques les aident à s’acclimater aux dures réalités de la
guerre de tranchées. C’est là qu’ils subissent leurs premières pertes sous les
tirs d’obus et de mitrailleuses. Durant la première semaine d’avril, les
Canadiens sont envoyés au nord pour relever une division française dans le
célèbre saillant d’Ypres, une enclave faisant profondément saillie dans les
lignes allemandes au centre de la ville belge d’Ypres. Les Canadiens sont
flanqués, à droite, de deux divisions britanniques et, à gauche, de deux
divisions françaises, dont une rassemblée en Algérie.
Même
si les Allemands occupent des positions défensives le long du front occidental,
cela ne les empêche pas de mener des attaques locales. Afin de masquer le
retrait de leurs forces en direction du front de l'Est, les Allemands, empressés de
s’emparer du saillant, préparent une offensive mineure en recourant à une
nouvelle arme terrible : le gaz toxique. En début de soirée le
22 avril, au mépris de la Convention de la Haye qui interdisait de
répandre des gaz asphyxiants en cas de conflit armé et dont l’Allemagne était
signataire, les Allemands déversent 171 tonnes de chlore gazeux plus dense
que l’air à partir de 5 730 cylindres enfouis derrière leurs lignes
situées principalement en face de la division algérienne. Poussé par le vent,
un terrible nuage verdâtre haut de cinq mètres se dépose sur les tranchées
françaises, semant la panique parmi les hommes incommodés par le chlore qui
leur brûle les poumons et la gorge. La ligne française se brise alors que les
hommes, sans masque à gaz, prennent la fuite terrorisés, ouvrant une brèche de
cinq kilomètres par laquelle les Allemands s’infiltrent, menaçant d’enserrer
les bataillons canadiens et britanniques et de les prendre à revers. Cependant,
les Allemands étaient mal préparés à une offensive majeure et, à la tombée de
la nuit, ils s’arrêtent et se retranchent après une avancée de
trois kilomètres. Les Canadiens se tournent immédiatement vers le
nord-ouest pour colmater la brèche et empêcher l’armée allemande de progresser
davantage. Pendant la nuit et tôt le matin, ils lancent une série de
contre-attaques désespérées dans l’espoir de freiner les Allemands dans leur
élan; les Canadiens essuient de très nombreuses pertes, surtout lors des
assauts pour reprendre la crête de Mauser et le Bois des cuisiniers. Le
23 avril, le caporal suppléant Frederick Fisher, un mitrailleur
appartenant au 13e bataillon, empêche la capture d’une batterie
d’artillerie canadienne, méritant par son comportement courageux la première
Croix de Victoria du Canada. Il sera tué plus tard ce jour-là. Trois autres
Canadiens seront décorés de la Croix de Victoria pour leurs actions à Ypres.