(Lettre extraite de : Tennyson, Brian Douglas, Percy Willmot: A Cape Bretoner at War 1914-1919, Cape Breton University Press, Sydney, Nouvelle-Écosse, 2007)
Transcription (traduction) d'extraits dactylographiés.
Ma chère Kiddie,
Alors que les fusils crachent les flammes de la mort, je suis confortablement installé dans une tranchée devant un feu agréable, non loin de la nouvelle ligne de front. Il s’agit du champ de bataille qui restera dans l’histoire comme une superbe réussite
du Corps canadien.
Le 9 avril est un jour à marquer « éternellement d’une pierre blanche » dans les annales canadiennes.
Cette célèbre crête constitue la clé de la ligne Hindenburg et sa conquête marque le début d’une nouvelle avancée qui conduira à la destruction ultime des Huns...
Je me suis rendu sur le champ de bataille de Courcelette, j’ai vu les ruines d’Ypres et les champs criblés d’impacts d’obus de Belgique, mais jamais je n’ai été témoin de destructions comparables à celles de ce lieu...
8 h, 16 avril 1917
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Je ne peux que me souvenir du jour, le 8 avril, où nos courageux camarades, menés par le major De Lancey et le sergent-major de régiment « Papa » Hinchcliffe, ont quitté le camp au son des cornemuses et sous les acclamations de ceux à qui il n’était pas
permis de les accompagner.
En 18 mois de guerre, je ne ressens presque plus ni sentiments ni émotions, mais je ne puis empêcher mes larmes de couler sur mes joues ni ma gorge de se serrer pour mes joyeux compagnons, dont un grand nombre est parti au combat pour ne jamais revenir.
À 5 h 28 le matin du 9, nos compagnons se trouvaient à leurs postes désignés. À 5 h 30, des milliers d’armes de tout calibre ont craché un feu tel qu’on n’en avait jamais vu durant toute la guerre. Rien d’humain ne pouvait y résister. Alors que les armes
hurlaient, ils se sont hissés sur les sacs : les hommes de CB [Cap-Breton], les fils de NE [Nouvelle-Écosse] et du NB [Nouveau-Brunswick], des CF [Canadiens français] et des habitants de l’Ouest, tous « Canucks ».
En 14 minutes, la première tranchée était conquise et au bout d’une heure et 15 minutes, l’ensemble de la crête, 4 000 prisonniers et de nombreuses armes étaient entre nos mains. À ce moment, il s’agissait de la victoire importante la plus spectaculaire
et la plus destructrice sur ce front depuis la bataille de la Marne, et le Canada peut être bien fier de cet accomplissement.
Nos camarades ont-ils oublié les crucifixions d’Ypres et les enseignements des Huns du passé? Ce n’est pas le cas. Un officier de l’English Regiment a affirmé : « J’en avais beaucoup entendu au sujet des combattants canadiens auparavant, mais je ne les
avais jamais vus en pleine action. Ce sont de splendides, mais également de terribles bouchers. » Les mots ont leur importance.
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