Transcription et traduction de la narration entière de Madge Trull.
[DÉBUT : 00:00]
Madge Trull : Je m’appelle Margarita Francesca (Janes) Trull. J’étais l’épouse du capitaine de l’aviation John C. Trull, dans l'Aviation royale du Canada. Je suis née en Amérique du Sud, au Chili, de parents anglais, et je suis rentrée au pays
quand j’avais 3 ans. J'ai donc eu une éducation à l’anglaise. On m’appelait Madge, mais je me suis enrôlée au sein des WRENS comme « Mlle Janes », avec ma sœur Jean Janes, ou « Jeannie », comme je l’avais baptisée. Nous sommes allées toutes les deux
à Portsmouth, en Angleterre, pour nous enrôler dans le Women’s Royal Naval Service. J’aurais voulu être infirmière, mais il n’y avait plus de places. Néanmoins, ils nous ont acceptées dans les WRENS, et j’en étais ravie, car j’aimais beaucoup cet organisme.
[TEMPS : 00:55]
M.D. : À Eastcote, nous avons suivi une formation de « cryptologue » : je ne me souviens pas du terme exact, mais c’était quelque chose comme ça. Nous étions censées être appelées simplement des « rédactrices »; c’était un travail très secret.
Sur mes documents de libération, j’ai été désignée comme « rédactrice de renseignements », et « rédactrice » était synonyme de « secrétaire ». Or, je n’avais jamais été secrétaire; je n’avais aucune idée ce que faisait une secrétaire. De nos jours,
le service est désigné comme ULTRA secret.
[TEMPS : 01:28]
M.D. : Après Eastcote, nous sommes allées à Stanmore, où nous décryptions des messages allemands; je sais que vous avez entendu parler de l’« Enigma »; c’est le genre de travail que nous faisions. Avant de commencer cet emploi, nous avons prêté
serment dans le cadre de la Loi des secrets officiels, qui avait une échéance de quatre-vingt-dix ans. Je n’y suis pas encore arrivée, et il y a certains éléments d'information qu’il faut passer sous silence. Je ne suis jamais sûre à 100 p. 100
de ce que je peux et de ce que je ne peux pas divulguer. À l’époque, si nous disions quoi que ce soit, nous courions le risque d’être envoyées en camp de détention où…nous disait-on…nous aurions été fusillées! Nous faisions donc très attention pour
ne rien dire à personne. Ma mère est morte sans apprendre ce que je faisais dans la vie.
[TEMPS : 2:19]
M.D. : Puis, quand nous étions à Stanmore, nous travaillions dans des installations qui s’appelaient des « travées ». Et dans ces « travées » se trouvaient d’énormes machines qui s’appelaient des « bombes ». Celles-ci étaient une espèce d’appareil
mécanique, pour ainsi dire. Elles étaient très grandes. Et très, très bruyantes. Elles étaient équipées de barils, et ces barils comportaient un faisceau de fils. Mais si l’un des fils entrecoupait un autre, tout le système de décryptage tombait en
panne. Donc nous devions faire attention à ce que tout soit bien en place et en bon état de fonctionnement. Cela nous rendait très nerveuses, même si nous étions assez jeunes et fortes. Quand nous pensions avoir décrypté quelque chose – ce à quoi les
machines nous aidaient, mais nous étions responsables de la configuration et de la gestion de ces dernières –, nous devions entrer dans un petit local qui contenait une machine qui ressemblait à l’« Enigma » et travailler au code. Or, nous n’avions
pas le droit de lire les messages codés; ils étaient acheminés à Bletchley Park par un messager de l’Armée ou du service en question. Nous n’avions pas beaucoup de détails à l’époque, mais j’en ai beaucoup appris par la suite.
[FIN : 03:52]