Transcription et traduction de parties clés du témoignage de Currie sur ses réflexions relatives à l'emplacement du monument.
Le mardi 4 mai 1920
Témoignage du général sir Arthur Currie, présenté au Comité parlementaire des monuments commémoratifs canadiens érigés sur des champs de bataille
Le Comité des monuments commémoratifs canadiens érigés sur des champs de bataille s’est réuni à 15 h 30, sous la présidence de l’honorable S. C. Mewburn.
Le président : Nous nous sommes réunis une première fois il y a quelques jours au sujet de ces mémoriaux et il nous a semblé souhaitable d’obtenir des renseignements supplémentaires sur ce sujet dans son ensemble.
Général Currie, pourriez-vous nous donner des précisions concernant les sites de ces futurs monuments? Nous souhaitions obtenir quelques renseignements de votre part, notamment sur ce que vous estimez constituer le meilleur choix pour le gouvernement
par rapport à chacun des huit lieux sélectionnés pour les mémoriaux permanents et perpétuels. [...] Auriez-vous l’amabilité de nous communiquer toute opinion que vous pourriez avoir en la matière ainsi que tout autre élément d’information que vous jugeriez
bénéfique pour le Comité?
Général sir Arthur Currie : Monsieur le Président, il m’est inutile de m’étendre sur le bien-fondé de la construction de monuments. Je pense qu’il est justifié d’avoir tenu pour acquis que le peuple du Canada désire voir la construction d’un mémorial.
J’ai discuté de cette situation avec le premier ministre durant la conférence de paix et nous avons convenu de la nécessité de faire quelque chose. Nous avons examiné les emplacements afin de déterminer les lieux d’érection éventuels des monuments et
ceux finalement sélectionnés l’ont été après avoir consulté de nombreux bons officiers. Les huit sites ainsi choisis se situent à proximité de huit batailles remarquables de la guerre.
{…}
En partant du nord se trouve un site aux environs de Saint-Julien, commémorant la première rude bataille des Canadiens à Ypres. Puis, non loin de Passchendaele, un site a été finalement sélectionné à la « ferme de la crête », un point en hauteur à environ
370 mètres du centre du village de Passchendaele.
Ensuite, en continuant vers le sud, se trouve le site de la crête de l’Observatoire. De nombreux combats se sont déroulés en ce lieu. Depuis cet endroit, il est possible d’observer Maple Copse, le bois du Sanctuaire, le château de Stirling, Saint-Éloi,
la colline 60, le Snouth, dans la vallée et jusqu’au mont Kemmel plus au sud. Un monument en ce lieu englobera toute cette zone.
Puis, un monument se trouve à Vimy, site de l’une des premières batailles du corps, lorsque ses membres « ont atteint des sommets » ensemble. Il s’agit de la position que les Français ont attaquée et se sont montrés incapables de tenir, et de celle où
les Britanniques ont ensuite été repoussés encore davantage. Elle a donc connu de nombreuses batailles sanglantes et un monument y commémorerait certains des plus glorieux combats du corps. Le monument surplomberait Arleaux, Avion, Fresnoy, la colline
70 et plusieurs autres endroits.
En ce lieu, le mémorial devrait être érigé sur la colline 145. Il offre également une vue sur Lens et tous ces endroits. La visibilité est vraiment excellente. Je pense qu’on peut voir le bois de Bourlon, voire la ville de Cambrai.
C’est à Vimy que le corps s’est tenu pendant 18 mois et c’est là que se sont déroulées de nombreuses batailles glorieuses.
Ensuite, un peu plus au sud, on doit bâtir un monument au carrefour de Dury. Il s’agit de la dernière crête composant le réseau Hindenburg. Elle se situe précisément sur la ligne Quéant-Drocourt. De là, on peut voir Arras et Monchy ainsi que la grande
crête au sud : la crête de Wancourt. Elle surplombe la ligne Quéant-Drocourt et d’autres points culminants constituant l’objectif de la bataille du 27 septembre. Dans le but de commémorer cet engagement, ils proposent d’ériger un monument dans le bois
de Bourlon, d’où les plaines jusqu’à Cambrai et au-delà peuvent être aperçues.
Plus au sud, je pense qu’un mémorial devrait se trouver sur le champ de bataille de la Somme. Le Comité des honneurs de guerre a souhaité renommer les combats de la Somme en bataille de Flers-Courcelette et a proposé la construction de ce mémorial aux
environs de Courcelette, à proximité de la raffinerie de sucre, directement sur la route principale Albert-Bapaume. Ainsi, il vous sera possible de tourner votre regard sur Pozières et d’apercevoir le lieu où les premières troupes canadiennes ont entamé
les combats dans la Somme, dans le feu des batailles du 15 septembre. Vous pourrez également observer les objectifs des batailles des 26 et 27 septembre, du 1er au 8 octobre ainsi que les tranchées vers le nord.
Puis, à Amiens (une bataille qui a eu, je pense, bien plus d’impact sur le plan matériel et un effet sur le moral considérablement supérieur à ceux de la bataille de Vimy), le site, autant que je m’en souvienne, est plutôt évident. Là-bas se trouve une
grande route, quasiment au centre du champ de bataille d’Amiens. C’est dans les environs qu’il serait possible d’ériger un monument.
{…}
Je ne pense pas que si vous souhaitez bâtir plus d’un monument, vous puissiez faire autre chose qu’en ériger huit. Les sites choisis sont ceux de batailles cruciales et décisives. Je pense qu’ils sont plutôt bien répartis et qu’aucune partie de la ligne
ne serait oubliée si ces huit monuments étaient construits.
Je ne suis pas en faveur de la construction d’un monument d’importance et de sept autres monuments. Les Australiens se sont laissé guider par la politique suivante dans le choix des sites où créer leurs mémoriaux : il y avait cinq divisions australiennes,
chacune d’entre elles a choisi le champ de bataille sur lequel elle a réalisé son exploit le plus impressionnant et y a bâti un monument. Les Australiens ont également décidé d’ériger un monument supplémentaire pour lequel ils ont organisé un concours
de conception et pour lequel ils ont choisi un site à Villers-Bretonneux. Je ne suis pas favorable à une telle politique. En ce qui concerne le Canada et les Canadiens, il ne serait pas satisfaisant que chaque division érige un monument sur le lieu de
sa bataille la plus célèbre ni qu’un seul mémorial ne commémore tous les actes les plus glorieux de la guerre. Si toutefois vous décidiez de ne bâtir qu’un seul monument, je suggérerais de choisir Vimy. Même si je ne pense pas qu’il s’agisse de la bataille
la plus remarquable ni de celle qui a eu la plus grande incidence sur le plan matériel ou effet moral sur la victoire finale...
{…}
Je ne souhaite pas laisser l’impression, toutefois, que Vimy ait constitué notre champ de bataille le plus glorieux. [Selon moi, il serait préférable d’ériger huit mémoriaux] ... tous du même type, aucun d’entre eux ne se démarquant des autres.