Transcription et traduction de la narration entière de Bill Teleske.
[DÉBUT : 00:00]
Bill Teleske : Quand on est arrivé à Ortona [Italie], on s’est bien rendu compte qu’on allait avoir beaucoup de difficultés parce que les bâtiments qui faisaient face aux rues principales étaient en train d’exploser et les rues étaient jonchées
de gravats. À Ortona, on ne pouvait pas utiliser de chars d’assaut et les trottoirs étaient trop étroits pour permettre aux chars de faire des manœuvres, on a dû donc se battre une rue à la fois, une maison à la fois, une rue à la fois, et on a pris
Ortona la veille de Noël. Pour moi, cela a été une des pires nuits parce que sur notre petit front à nous, il y avait un Allemand qui avait un tourne-disque et il n’arrêtait pas de jouer Lili Marleen [une chanson d’amour allemande], sans interruption.
Et vers minuit, il a arrêté de jouer Lily Marlène et il a mis un disque de Sainte Nuit en allemand. Une Allemande chantait, on ne comprenait pas les paroles, mais on savait ce qu’elle chantait, elle avait une voix magnifique. Et je me suis dit
que j’étais assis là dans une tranchée, c’était la veille de Noël, je me demandais ce que ma famille faisait à ce moment-là au Canada, je me demandais ce qu’ils faisaient en cette veille de Noël, ce que ma petite amie faisait en Angleterre en cette veille
de Noël. Et je me suis dit : « Nom de Dieu, qu’est-ce que je suis en train de faire ici, à 4 000 milles de chez moi, à essayer de tuer quelqu’un que je ne connais même pas et qui ne me connaît pas et qui essaie aussi de me tuer. » Et je me suis dit :
« Mon Dieu, ce monde est terrible. » Puis finalement, je crois qu’un obus a dû tomber pas loin de là où je me trouvais, et cela m’a ramené à la réalité, il y avait une guerre et j’étais dedans.
[TEMPS : 01:30]
B.T. : Alors, c’était la veille de Noël. Le jour de Noël n’était pas différent des autres jours. Tout était tranquille le 28 décembre, mais dans la nuit du 27, on pouvait entendre beaucoup de bruit sur le front allemand, on aurait dit qu’on était
en train de déplacer de l’équipement lourd, qu’il y avait des chars d’assaut qu’on déplaçait, des camions, etc. On s’est donc dit qu’ils se préparaient à contre-attaquer, et on ne pouvait pas se permettre de faire l’objet d’une contre-attaque parce qu’on
n’était pas très nombreux. Les officiers, etc. venaient voir chaque homme pour demander si on avait suffisamment de munitions parce qu’ils s’attendaient vraiment à une contre-attaque.
[TEMPS : 02:05]
B.T. : La nuit s’est terminée, le matin est venu et tout était calme, il n’y avait rien sauf l’odeur de la boue, du sang et des gravats. Mais il n’y avait plus de bruit. Il n’y avait pas le bruit des mitrailleuses, des mortiers, rien de tout cela,
on ne comprenait pas très bien ce qui se passait, ce qu’ils étaient en train de préparer. On a donc envoyé nos patrouilles jusqu’aux limites de la ville, à la périphérie d’Ortona, les Allemands étaient tous partis, il n’y en avait plus. Les seuls Allemands
qui restaient étaient morts. Ortona était donc à nous, on a pris Ortona le 28 décembre.
[TEMPS : 02:40]
B.T. : Une autre bataille au cours de laquelle j’ai perdu beaucoup d’amis, c’était celle de la ligne Hitler. Cette bataille n’a duré qu’un jour, mais on a perdu beaucoup d’hommes ce jour-là, autant qu’on en avait perdu en une semaine à Ortona.
Cela a été terrible. Et [Monte] Cassino, c’était une autre bataille. Il nous a fallu quelques jours pour prendre Cassino, cette ville me faisait penser au poème Au champ d’honneur parce que quand on a pris Cassino, les champs étaient rouges de
coquelicots.
[TEMPS : 03:10]
B.T. : Il y a eu une suite incessante de batailles. Je veux dire que quand on fait la guerre, on la fait 24 heures par jour, sept jours sur sept. Le seul moment de répit qu’on a, c’est quand de temps à autre, ils procèdent au retrait de votre régiment
pour vous donner deux jours de repos. Ensuite, vous retournez sur le champ de bataille.
[FIN : 03:33]