Transcription et traduction de la narration entière de Wilson Large.
[DÉBUT : 00:00]
Wilson Large : Nous sommes allés à Bognor Regis et c’est là qu’on a reçu les ordres pour nous rendre à Dieppe. La première fois qu’on est montés à bord des bateaux c’était en juillet, et on partait en mer quand ils ont tout annulé, à cause du mauvais
temps. Et la première fois, on a applaudi à tout rompre quand ils ont annoncé qu’on allait là-bas. Mais la deuxième fois, quand ils nous ont dit, bon, qu’on était en route pour Dieppe à nouveau, il n’y a pas eu d’applaudissements. Seulement le silence.
[TEMPS : 00:41]
W.L. : On a débarqué en plein jour, ou au lever du soleil, comme ça. Et ils nous bombardaient. Ils savaient qu’on allait venir parce qu’il y avait de gros canons, des petits canons, des mitrailleuses et tout le reste. Le bruit, c’était quelque
chose. Et puis on a atteint le rivage et on a sauté dans l’eau, et on est arrivés. Certains d’entre nous y sont parvenus; d’autres se sont fait descendre dans l’eau.
[TEMPS : 01:17]
W.L. : On est arrivés et on est allés jusqu’au mur. On avait le génie avec nous et ils traînaient des tuyaux de trois mètres de long environ qu’ils appelaient des charges Bangalore (conçues pour ouvrir une brèche dans les obstacles). Elles étaient
remplies d’explosifs et ils les ont lancées par dessus des barbelés. Et ils en ont allumé une, et elle a commencé à glisser en arrière dans notre direction; et un des gars, il s’appelait Everett McCormick et il était de Leamington, l’a attrapée. Il
la repoussait et elle continuait à glisser. Et il est resté là et il l’a maintenue en place, et il a sauté avec elle. Il aurait dû recevoir une décoration. Vous savez, sa famille aurait dû recevoir quelque chose.
[TEMPS : 02:06 ]
W.L. : C’était juste un petit bonhomme, aussi. Oui, alors ça a été ma première explosion en direct. Je veux dire les fusillades et tout, ça continuait et ça, et bien ça ne me dérangeait pas autant, mais ça, j’ai pu voir un de mes copains... J’en
avais vu d’autres se faire descendre, mais sauter comme ça, ça m’a bousculé pendant un moment.
[TEMPS : 02:35]
W.L. : Une vingtaine d’entre nous se sont précipités vers les maisons, seulement sept d’entre nous sont arrivés jusque-là. Oui. Et le reste, ils s’étaient amoncelés tout le long du chemin. Et puis on est allés à l’intérieur. Une patrouille allemande
est entrée dans le bâtiment. Le sergent Léopold a juste dit : « Attendez jusqu’à ce que je dise "feu". » Et tous les sept, on a tiré avec nos armes, la mitrailleuse Bren (mitrailleuse légère) et les fusils, dans le corridor; et ils sont entrés et ils
rigolaient et tout. Oh! Et il a dit : « Feu ». Et là plus de rires, pas même un grognement. On a eu la patrouille tout entière. Oui.
[TEMPS : 03:36]
W.L. : Oh, et c’est là qu’ils ont fini par dire : « Howard, regarde ton pied. » Et ça pissait le sang. Alors il a fallu que je coupe mes lacets avec ma baïonnette et je sorte le pied, que je mette un pansement dessus et que je fasse un
garrot. Et je me suis servi de mon couteau et du fourreau, et de la bandoulière de mon fusil, et j’ai fait un garrot sur ma jambe. Alors je ne pouvais pas me déplacer très facilement. Je suis donc descendu au sous-sol de la maison, et ils avaient installé
des parapets partout pour les fusillades et tout. Et c’était de la terre battue par terre. Alors je suis descendu là; et j’ai pris le reste de mes grenades que j’ai enterrées dans le sol et j’ai attendu. Puis, tout à coup, j’ai entendu une patrouille
arriver; et j’ai crié que j’étais blessé et tout ce que j’ai reçu en retour c’était une fusillade de là-haut. Et puis quand ils ont cessé de tirer, j’ai crié à nouveau. Et ils ont recommencé à tirer. Ils ont tiré au moins trois fois. Et puis ils sont
descendus et ils m’ont sorti de là.
[TEMPS : 04:56 ]
W.L. : Je suis certain qu’il s’agissait d’une autre patrouille allemande, mais le truc c’est que, quand je suis arrivé en haut et qu’ils ont voulu me faire sortir, les cadavres des autres gars étaient là et un d’entre eux m’a mis le canon
de son fusil sur la tempe et j’ai pensé, je suis cuit. Et un soldat s’est approché et a attrapé le fusil et il a dit, en anglais : « C’est mon prisonnier. » Alors il a obligé l’autre gars à m’aider à passer par dessus les cadavres parce que je n’arrivais
pas vraiment à marcher et j’avais perdu le garrot de ma jambe. Et ils m’ont emmené là où ils laissaient les blessés devant ce bâtiment; ils m’ont juste mis sur la pelouse.
[TEMPS : 05:46]
W.L. : Oh, et en chemin, une dame est sortie de la maison avec un plateau de bières et elle nous les a offertes. Et ils m’en ont donné une à moi avant de se servir. La meilleure bière que je n’aie jamais bue. Et c’est toujours le cas. (Rires)
Oui.
[FIN : 06:11]