Transcription et traduction de la narration de Norman Wrigglesworth.
[DÉBUT : 00:00]
Norman Wrigglesworth : Je m’appelle Norman Wrigglesworth. J’ai été matelot de 2e classe dans la Marine royale de 1943 à 1947.
[TEMPS : 00:08]
N.W. : Nous étions toujours à court de nourriture en mer et la réfrigération était quasi inexistante. Nos logements étaient très petits. Au petit-déjeuner, nous prenions un thé avec du pain et de la confiture, et nous nous passions les pommes de terre. C’est
drôle à dire, mais nous pelions chacun une pomme de terre – nous n’avions pas d’eau – et puis le cuisinier du jour les apportait au gars qui les lavait, les coupait et les préparait pour le souper, vous voyez.
[TEMPS : 00:30]
N.W. : En mer, nous ne pouvions jamais avoir huit heures de sommeil. Nous étions sur des quarts de travail de quatre heures, alors nous dormions environ trois heures et cinquante minutes. Et si nous étions appelés à prendre nos stations de combat, cela s'arrêtait
là.
[TEMPS : 00:41]
N.W. : Vers la fin de la guerre, nous étions amarrés à Taranto, en Italie, et nous sommes allés à un camp de repos à Bari. On y voyait surtout des Australiens et des Britanniques, très peu de Canadiens. Mais nous avions trois gros repas par jour et nous devions
nous rapporter seulement une fois par jour.
[TEMPS : 00:55]
N.W. : Mon copain et moi, nous avons mis la main sur des chevaux. Il n’y avait pas de selle ni d’étriers. Et nous allions au camp des GI, qui était à un demi-mille environ, donner des leçons d’équitation en échange d’une bouteille de vin. C’était mon prix. Je
plaçais les mains en guise de support pour le pied d’un GI Joe et je lui disais : « Maintenant, mets ton pied droit dans mes mains. » Et je le soulevais sur le dos du cheval, mais faisant face vers l’arrière. Il y avait des centaines de soldats dans
un édifice de briques à trois étages tout près qui éclataient de rire. Ils appelaient ça « la performance royale ». Nous avons quand même passé neuf jours à Bari, en partie parce que lorsque la guerre s’est terminée, nous n’arrivions pas à décrocher
une place sur le train de retour à Taranto.
[TEMPS : 01:30]
N.W. : Le jour de la Victoire en Europe, les soldats sont devenus complètement fous ! Quelques-uns ont pris un coup, découpé ma couverture en cinq morceaux et mis le feu dans la cabane. J’ai averti l’officier commandant et le responsable a dû m’acheter une nouvelle
couverture.
[TEMPS : 01:44]
N.W. : Lorsque la guerre s’est terminée, des milliers et des milliers de prisonniers de guerre ont été transférés vers le sud de l’Italie. Nous avons pu finalement obtenir un passage sur un train en direction sud. Le train s’arrêtait chaque heure pour que les
prisonniers puissent faire une pause toilette – il n’y avait pas de toilettes dans les wagons. Les troupes australiennes faisaient les sentinelles. Il semblait y avoir tellement de détours et d’arrêts sur notre route.
[TEMPS : 02:04]
N.W. : Lorsque nous sommes parvenus au Royaume-Uni, par la voie de la baie de Biscaye, la mer était houleuse, la moitié de l’équipage avait le mal de mer. Ça semble drôle à dire parce que nous avions été en mer pendant dix-huit mois. Mais c'était très difficile.
Mon bateau suivant était un porte-avions converti en navire de transport de troupes. Nous avions des lits superposés et même une salle à manger; c’était le grand luxe.
[TEMPS : 02:25]
N.W. : J’ai fait un aller-retour en Australie, un aller-retour au Ceylan, un voyage à Hong Kong et mon dernier voyage fut en direction du Canada. Le capitaine a annoncé : « Personne ne doit être atteint d'une bronchite, vous devez agir en tant qu’ambassadeurs
de la Grande-Bretagne…et vous devez vous comporter convenablement au Canada. » Alors, j’ai été bon garçon et j’ai abouti au Canada avec une mariée de guerre. Toute une expérience. À nous tous, nous avons ramené environ 500 mariées de guerre. Tout ça
s’est passé en octobre 1946.
[TEMPS : 02:51]
N.W. : Nous avions une entente avec les États-Unis qui interdisait la revente des pièces d’avion que nous avions à bord. Nous les avons donc envoyées par-dessus bord. On appelait ça une « entente de location et de prêt », et le capitaine nous avait bien avertis
: « Vous pouvez bien vous servir, mais si les douaniers vous pincent avec du matériel, c’est entièrement votre problème! » Alors, je n’ai rien rapporté, surtout que je n’avais pas d’outil. Mais quel dommage! Tous ces avions flambant neufs coulés dans
la mer… Mais c’était l’entente.
[TEMPS : 03:15]
N.W. : Ensuite, à Norfolk en Virginie, j’ai raté mon autobus et un officier de la Marine des É-U. nous a embarqués, un copain et moi. Je le croyais un peu fou lorsqu’il m’a demandé un dix cents pour le parcomètre. Les parcomètres furent inventés seulement en
1936, et nous étions en 1946. Ça n’existait pas encore en Angleterre et je n’en avais jamais vu au Canada.
[TEMPS : 03:36]
N.W. : Le prochain choc culturel fut à bord d’un train en direction de New York. La Marine m’avait dit que je pouvais commander ce que je voulais. J’avais commandé un thé. Et un homme de couleur m’a apporté une tasse d’eau chaude. Je lui ai dit que j’avais commandé
un thé, pas une tasse d’eau chaude. Il m’a répondu : « Eh, copain, tu vois ce petit sachet? C’est une poche de thé, tu la mets dans ta tasse et ça fait du thé. » Je croyais qu’il se moquait de moi, mais c’était en plein ça!
[FIN : 03:55]